Visite exploratoire aux hôtels « Le Recul » et le Sommet : quand les rêves des jeunes croisent la réalité du terrain
Jeudi 22 mai 2025. Cette date restera gravée dans la mémoire des jeunes étudiant.es finissant.es en Bar Restauration et en Arts Ménagers du Centre Diocésain des Arts et Métiers (CDAM). À l’initiative de la Direction du CFP, une visite exploratoire a été organisée dans deux établissements prestigieux du Sud d’Haïti : Le Recul Hôtel des Cayes et Le Sommet de Port-Salut. Cette sortie pédagogique, enrichissante tant sur le plan professionnel que personnel, visait à confronter les acquis de la Formation Professionnelle avec les exigences concrètes du monde hôtelier, tout en nourrissant chez ces jeunes l’élan entrepreneurial et l’envie de réussir dans leur pays.
Accompagné.es de leurs formateur.trices — Mme Chilorve, Mme Rose Myrtha, de l’Officière de placement Mme Sergina Pierre, de Wichenide, Responsable de Programme Via Don Bosco, de Rose Michelle, Secrétaire, et du P. Mytilien André, Coordonnateur des études — les jeunes ont eu l’opportunité rare de découvrir les coulisses d’un hôtel : accueil clientèle, service en salle, organisation en cuisine, service en chambre, normes d’hygiène, qualité des mets, gestion du linge (laundry), et la diversité des départements qui constituent la richesse d’un établissement hôtelier.
Mais au-delà de cette immersion dans le monde professionnel, ce fut une rencontre intime avec soi-même, un moment d’arrêt pour réfléchir à son Projet Professionnel, à sa vocation, à ses rêves, mais aussi à la réalité haïtienne.
Des voix jeunes, lucides et déterminées
Interrogé.es après cette visite, les étudiant.es ont livré sans détour leurs aspirations, leurs craintes et leur volonté farouche de construire un avenir malgré les incertitudes.
Leurs forces ? Le professionnalisme, l’adaptabilité, la passion pour la cuisine, l’accueil, la rapidité de service, le leadership, la responsabilité.
Leurs rêves ? Travailler dans un hôtel pour se perfectionner, créer leur propre entreprise, lancer un service de restauration mobile, offrir des petits déjeuners livrés à domicile, gérer un service traiteur, ou encore bâtir un projet liant tourisme et restauration locale.
Leurs freins ? Le manque d’opportunités locales, la demande systématique d’expérience professionnelle à l’embauche, les préjugés sociaux, l’insécurité, l’absence d’appuis financiers, et un État haïtien trop souvent absent quand il s’agit d’appuyer les jeunes porteur.euses de projets.
Leur détermination reste intacte : « C’est l’amour que j’ai pour ce métier qui me fait continuer. Je veux créer quelque chose qui me ressemble. Je veux travailler d’abord pour avoir une base, puis entreprendre. »
Ce que coûte un rêve…
Si une jeune diplômée en Bar Restauration souhaite aujourd’hui lancer un petit service de traiteur en Haïti, voici le budget nécessaire pour démarrer :
Équipements | Montant (USD) |
Four à gaz | 900.00 |
6 Plats chauffants | 400.00 |
Jeu de cuisine (cocottes, cuillères…) | 150.00 |
Mixeur | 200.00 |
Batteuse électrique | 250.00 |
Plateaux de service | 120.00 |
Accessoires (verres, assiettes, couverts) | 400.00 |
Juicer | 250.00 |
Mise en place (mobilier, nappe, décoration…) | 1,500.00 |
Total | 4,170.00 USD |
4 170 dollars. C’est tout ce qu’il faudrait pour transformer un rêve en action, une compétence en entreprise, une passion en revenu durable. Ce montant reste inaccessible pour la plupart de ces jeunes pourtant formé.es, outillé.es, motivé.es.
Et si l’État haïtien, les hommes et femmes d’affaires, les notables de ce pays faisaient enfin le pari de la jeunesse ?
Et si l’investissement dans une seule entreprise de jeunesse pouvait éviter à trois autres jeunes de risquer leur vie dans les eaux ou de partir dans l’errance ?
Appel aux décideur.euses et aux partenaires
Il ne suffit plus de parler de la jeunesse comme « espoir de demain ». Le demain est déjà là. Il est dans les mains de ces jeunes du CDAM qui rêvent, qui savent faire, mais qui n’ont rien. Pas de machine. Pas de local. Parfois pas même de soutien familial.
Ce n’est pas de charité qu’ils.elles ont besoin. Mais de crédits d’investissement, de fonds d’amorçage, de programmes d’accompagnement à l’entrepreneuriat, de plateformes de visibilité pour leurs services, et surtout d’une politique nationale d’insertion socio-professionnelle digne de ce nom.
Gratitude et espérance
Cette activité n’aurait pu être réalisée sans le concours et la bienveillance de plusieurs partenaires et personnes engagées dans la réussite de la jeunesse haïtienne.
Un immense merci aux PDG de l’Hôtel Le Recul et Le Sommet, pour leur accueil généreux et la transparence dans le partage de leur expérience. Merci pour l’ouverture faite à cette jeunesse qui cherche des repères et des modèles.
Nos plus vifs remerciements à nos partenaires de toujours dans la formation professionnelle:
Via Don Bosco, Jóvenes y Desarrollo, AECID, ENTec, pour leur accompagnement constant.
Et une pensée de reconnaissance profonde à nos formateur.trices qui encadrent, forment, motivent jour après jour :
Mme Chilorve, Mme Rose Myrtha, Mme Wichnide, Mme Rose Michelle,
et Mme Sergina, notre Officière de placement.
Vous êtes les semeurs et semeuses d’un avenir qu’Haïti mérite.
Pour que jeunesse ne rime plus avec détresse
L’heure n’est plus aux discours vides. L’heure est à l’investissement dans les jeunes porteur.euses de projets concrets. Ce pays ne peut pas se redresser sans eux.elles.
Ils.elles ne demandent pas la lune. Ils.elles demandent une cuisine, quelques ustensiles, une table de service, et une chance.
Et si, enfin, nous leur donnions cette chance ?
Par P. Mytilien A., sdb.